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Séismes

 

"Je laisse mes pensées vagabonder, chastement, sur les soies qui enveloppent cette jeune fille qui me plaît secrètement.
Elle est aussi timide que moi mais nous parlons un peu ensemble parfois.
Il n'y a rien là de répréhensible, nous nous enlisons dans une discussion anodine pour ne pas nous avouer que nous nous plaisons.
Nos familles s'estiment et se respectent mais hélas elle est déjà promise à un autre.
Alors, ces regards surpris et craintifs, cet empourprement qui frémit le long du dos, les effluves de l'un s'amarrant dans la mélancolie de l'autre, sont nos seuls et plus grands péchés.
Elle passe et le parfum de ses cheveux me hante à l'infini...
Voilà les seules offenses faites à nos vénérés parents.
Ici un amour qui n'est pas béni par les familles ne peut que s'éteindre dans un sursaut de malédictions et de déshonneurs.
C'est pour ces raisons que nous nous évitons, car nous sommes toujours confrontés l'un à l'autre dans des hasards dont la cruauté ne s'érode jamais... Nos regards se fuient pour l'honneur mais nos cœurs se heurtent à l'infini, comme les vagues qui s'enroulent sur le rivage avant de mourir en caresses ultimes de l'eau à la terre... À l'infini... Nous n'aurons jamais rien d'autre que ce frisson de l'interdit et du désir qui nous effleure parfois.
Cet enchantement qui nous enlace, lorsque nous pressentons, d'un regard embarrassé, la passion sous-jacente et suave qui nous attache l'un à l'autre... cet attrait noble qui nous relie, relève du sublime !
           

 

 

 

 

Naissance  de ce texte :

Comme pour Clandestin, Séismes est né d’une forte émotion. Nous avons tous été saisis, sidérés devant les images terribles du Séisme du 11 mars 2011 au Japon. Nous avons tous vu cette vague noire et impitoyable charrier des voitures, des maisons, des bateaux comme un ruisseau des miettes tel un rouleau compresseur implacable broyant et disloquant sur son passage tout un monde en l’espace de quelques minutes. Comme à mon habitude, je me suis interrogée sur ce que pouvait ressentir un individu au cœur de ce chaos indescriptible. Alors, j’ai enfanté ce personnage, jeune homme ayant une vie simple, mais agréable, conscient de son confort et sachant apprécier ce que la vie lui a offert, avec pour seul petit drame cette jeune fille qu’il aime, mais qui est promise à un autre, osant parfois souhaiter que quelque chose se passe et change cette donnée. Subitement plongé au cœur de ce cataclysme, comme pour mon Clandestin, je l’ai laissé errer dans les méandres de l’existence, seul face à lui-même, seul face au monde hostile, à des choix impossibles, des renoncements cruels, des actes de bravoure certes, mais aussi des pensées inavouables, des lâchetés impératives et surtout cet espoir tenace autant que cruel, souvent illusoire qui pourtant et la seule chose qui permet aux individus de continuer à se battre quand le destin tente de les anéantir autant que possible.

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