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Dolorès

                                           

 

 

Dolorès ( à paraître , extrait )

Nous sommes tous des hyménoptères éparpillés sur le macadam, zigzaguant entre nos gîtes 
fongoïdes, quasi abouliques, prêts à entamer la litanie du premier psalmiste qui passe,
si 
tant est qu'il soit meilleur orateur que les autres et qu'il verse des psycholeptiques surtaxés 

sur nos plaies purulentes ! 

Et les punaises de sacristies, Tartufes et autres calotins, se gavent à nous dicter notre 
conduite, en habillant leurs perversités sous-jacentes avec
des robes rouges ou de longues 
barbes... 
Nous nichons dociles et malléables, dans des logis-cages, parqués par centaines,
agglutinés 
sur la colline, comme une nuée de petits morpions affamés sur un cul merdeux. 
Notre société psychorigide nous crée avides et égoïstes,
alors qu'elle nous veut maniables et 
aphones ! 
Quelle farce cynique que cette existence de pantin désarticulé !

 

Sakura San Model

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J'explore ici les méandres d’une pathologie psychiatrique qui glisse. Dolorès décrit son errance sanglante ponctuée de meurtres orgiaques, de revendications délirantes et de souvenirs d’enfance vagues mais obsessionnels. Elle évoque la bipolarité de sa mère, oscillant entre un engluement pathétique et fatal de l’humeur et une quérulence odieuse et destructive de l’affect, décrit l’influence néfaste de ces dévastations circulaires qui ponctuent son enfance en la broyant littéralement.

Mais de quoi souffre Dolores et où mènera ce cheminement ultra violent et borderline dans lequel elle évolue tant bien que mal ? Internée, elle se retrouve face à un thérapeute dont elle n’accepte pas le diagnostic, qu’elle affronte dans un soliloque décousu ponctué par un délire sémantique !'

 

DOLORES

Histoire de ce texte,

curieusement Dolorès est le premier livre que j’ai écrit bien qu’il soit le dernier à être sorti. à la base ce texte n’était pas destiné à être publié ni même lu, il devait me permettre de déposer tout mon ressentiment afin de créer libre de toutes entraves personnelles et de pouvoir m’investir comme pour Clandestin ou Séismes dans des personnages totalement étrangers à mon ego plus que démantelé par une enfance violée et une fratrie en partie hostile. J’ai donc utilisé Dolorès pour symboliquement « tuer » ceux dont j’ai été victime. Auteur dans l’âme je n’ai pu le faire qu’à travers une fiction élaborée où erre celle dont la pathologie extrême m’a permis d’allègrement égorger, assassiner, régler mes comptes et me débarrasser de mes fantômes et de mes colères. Puis au fur et à mesure le texte a récupéré ses droits d’être entièrement autonome et structuré comme il se devait. Dolorès s’est ainsi muée en une représentation fictive de ce que porte de douleurs et de frustration la femme, les femmes que je suis, issue d’une culture judéo-chrétienne, mais non-croyante, pas blanche, mais pas noire, victime du sexe, mais consciente du pouvoir qui se meut dans le chaloupement de ses hanches et la pointe de ses mamelles, dites hystériques parce qu’insoumise, monstrueuse parce que ni fille, ni sœur, ni mère dans son refus pathologique du lien humain. Dolorès comme bien des femmes est avant tout une victime, mais sa folie lui a permis ce qu’elles peuvent rarement faire, se venger, s’émanciper, se rendre justice, montrer ses plaies et les graver à coups de griffes dans la chair de ses bourreaux. Hélas je n’ai pas la chance d’être aussi dingue, mais enfanter ce personnage m’a apaisé comme rien n’avait su le faire avant « l’encre », en quelque sorte j’ai pris le sang qui coulait de mon ventre sur mes cuisses et j’en ai fait de l’encre.*

​

Didier Betmalle

​

LECTURE RÉCENTE
“DOLORES”
de Nunzia Benedetti. Edilivre.
La seule manière de recevoir et de penser ce texte douloureux — mais follement, atrocement libératoire — c’est de garder son sang froid, laisser les frissons d’horreur vous parcourir l’échine jusqu’à leur extinction, respirer à fond, et prendre tranquillement la mesure de ce qui s’est éveillé en vous de monstrueux, sous le choc de la lecture.
Car ce texte est un révélateur implacable de ce que vous avez de moins civilisé en vous: la rage d’incarner la violence de vivre qui fonde votre être, le désir de l’exprimer sans aucune camisole, en faisant fi de l’intégrité des autres…
Attention FICTION… oui mais fiction qui parle vrai de nos noirs désirs.
La langue de Nunzia Benedetti possède toutes les vertus nécessaires pour ébranler jusqu’à nos racines les plus archaïques. Son art est à la fois poétique et savant, échevelé et parfaitement maîtrisé. Elle nous fait vivre l’introspection déchirante de Dolores avec une puissance d’évocation stupéfiante, nous plongeant au cœur de sa folie meurtrière. 
Dolores revendique sa nécessité d’être un monstre — la genèse de cette nécessité est le fil conducteur de ce témoignage de l’extrême —, en faisant éclater tous les cadres, en arrachant toutes les étiquettes, en fracassant de l’intérieur toutes classifications des désordres mentaux, comme un cheval de Troie ayant pénétré par ruse dans le livre saint des diagnostiqueurs.
Je ne veux pas me laisser porter seulement par l’enthousiasme en parlant de façon énigmatique; je veux donner un écho juste et mesuré de ma lecture de “Dolores”, — la pantelante et douloureuse égocentrique aux dents acérées — en commentant la forme de l’ouvrage: 
Si nous entrons si bien dans l’univers mental de Dolores, et que nous pouvons en tirer les bénéfices d’une catharsis, c’est que l’auteure tient le cadre de son récit d’une main ferme, le structurant habilement en faisant couler sa lave brûlante dans le moule du théâtre classique. La mise en évidence de cette architecture, renforcée par la présentation du récit sous l’aspect — oh! combien ironique! — d’un lexique illustré du jargon psychiatrique, permet au lecteur de s’adosser à cette colonne vertébrale d’airain pour s’abandonner, en toute sécurité, aux transgressions les plus terrifiantes.
On peut alors jouir, en toute sécurité, du bonheur de vivre un texte puissant, bouleversant, pénétrant, fulgurant, brillant, bouillonnant. Et ressortir de l’aventure pour songer profondément aux ombres qui s’agitent dans les eaux troubles de notre propre équilibre. Allez-y, plongez, vous ne le regretterez pas.

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