"Alors, après plusieurs mois d’avachissement hypnotique dans le noir et le silence, un jour j’ai décidé que ces heures à languir amorphe dans cet abattement chronique devaient prendre fin ! Alors, j’ai pris mon stylo !J’ai pris mon stylo comme certains prennent les armes, j’ai pris pour encre mes larmes, ma sueur, mon sang ! J’ai même appris à écrire dans le noir, j’ai manuscrit de mon fard, c’est un art qui se nourrit lentement, qui prend ses racines dans les sucs que l’on sécrète quand on sue, quand on végète, quand on mue ! C’est la bile qui jaillit en jet, un geyser qui s’échappe soudainement en vague successive de salive ravalée et d’orgueil condensé !C’est les fluides de nos rêves évaporés qui touchant la froideur de nos coeurs brisés, retombe en goutte sur notre déroute ! c’est le givre qui s’infiltre dans les failles de nos esprits morcelés, avant de le faire, comme la pierre exploser, il faut à l’ouvrage réchauffé cette matière et d’une plume de fer l’évacuer ! Écrire, c’est injecter des mots à la vie qui dérape et sublimer le pire de ce que l’on est ! Je suis faible, je suis petite et lâche, fainéante et futile, et à mon art il est utile d’être bas et laid ! Plus je me tords de remords, plus je suis visqueuse et gueuse et plus je noircis de papier ! J’ai pris mon stylo comme d’autres prennent le voile, j’ai fait mon vice de la sémantique, j’ai rejeté les vaines prières et je suis partie guerroyer ! Je suis auteur cela n’est pas vraiment flatteur, je suis celle qui a arraché ses ailes d’ange pour se rouler dans la fange et ensuite présurer son pauvre corps et de ce jus immonde avec ses griffes, en hiéroglyphes, j’ai noirci du papier ! J’ai pris mon stylo, il traînait dans le caniveau, il n’était ni noble ni beau, mais il écrivait ! J’ai arraché quelques lambeaux de ma peau de mes oripeaux pour en faire du parchemin, du papier ! Pour ça, il m’a fallu les mâcher, les ruminer et du poids de tous mes mots les aplatir, les assouplir et les étaler ! Et, dans le noir, sans flambeau, sans ambition, sans prétention, j’y ai déposé les tristes émanations que ma mémoire a suppurées ! L’inspiration n’est pas sélective, que tu sois riche ou pauvre, morte ou vive, elle est ou elle n’est pas en toi, et soudainement, elle a frappé à la porte de mon petit studio de foyer de cassos, de rebut, de déchets, de résidus de rôt, pour ne pas dire pire de Capitalistia, cette cruelle et injuste société, ou si tu n’es pas voleur de grandes écoles, ou si tu n’as pas fait l’École Nationale de l’Arnaque, ou Science peau de vache, tu n’es qu’un fond de poubelle macéré à jeter ! Mais voilà l’inspiration n’est pas capitaliste et je suis en haut de sa liste alors j’ai pris mon stylo et dans le coeur de ce monstre infâme, je l’ai planté ! Et en accumulant mes feuilles, j’en ai fait mon échelle et j’ai brisé les chaînes qu’elle m’avait posées ! On ne fait pas taire ceux qui n’ont rien à perdre, on n’efface pas l’encre de la bile qu’on a générée ! J’ai pris mon stylo comme on levé un drapeau, encre et tissu noirs, en sursauts, en ruades, sur les barricades je vais fomenter la révolte des hordes qui n’ont plus que la corde pour se suicider ! J’ai pris mes stylos et j’en fais des bateaux pour les immigrés, des barrières pour que restent entières les femmes violentées, et j’en ai fait mon deuil et puis des fauteuils pour handicapé, j’ai fait de ce crayon, une canne, un bâton, pour me relever ! Et puis j’ai vidé le rhum dont j’avais rempli mon encrier ! voilà, je suis née !"
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